Cette semaine voici une nouvelle interview éditeur. Pour changer, après Soleil Manga, nous allons parler de japanimation ! Après Wakanim puis Black Box, voici Genzai, aka la petite sœur dématérialisée de Kana Home Video. Cette plate-forme de streaming propose la diffusion d’anime nippons mainstream (Naruto, Fairy Tail, …) quelques heures après leurs sorties sur les écrans nippons.
Depuis plus de 6 ans, Pascal Benattar est chef de produit et de projet japanimation chez Citel, la maison de mère de Kana Home Video notamment, et c’est lui qui fut en charge du lancement de Genzai. Nous avons eu l’occasion de l’interroger sur son rôle sur ces premiers mois d’activité avant d’embrayer rapidement sur le contenu du catalogue Genzai, assez ciblé, de son modèle économique, des premiers chiffres de la plate-forme mais aussi de ses besoins et espérances à terme, de son rapport au fansub, de l’état difficile du marché de l’animation et de son avenir.
Beaucoup de sujets à aborder pour ce premier entretien, donc ne tardons plus et en route !
Lancement et fonctionnement : les caractéristiques de Genzai
Bonjour Pascal Benattar,
Bonjour Paoru !
Certains vous connaissent déjà pour votre poste chef de produit DVD chez Kana Home Vidéo, où vous êtes arrivé en 2006-2007. Mais chez Genzai, quel est vôtre rôle ?
Genzai est une division de Citel Video, tout comme Kana Home Video. Citel est l’éditeur video du groupe Media Participations (Dargaud, Dupuis, Lombard, Kana…). Le projet Genzai est une réponse aux attentes de nos fans et mon rôle de chef de produit s’est tout simplement transformé en chef de projet. De l’éditorial, de la réflexion, de la stratégie et continuer à gérer des plannings, des graphistes et des traducteurs. En fait chez Citel, dès l’acquisition d’une série (suivant les droits obtenus bien sûr), nous nous occupons d’une série de A à Z.
D’où vient le nom Genzai au fait ?
Genzai signifie en japonais « maintenant, tout de suite… », la plateforme propose du simulcast et de la SVOD. Il était important de montrer que notre site vivait au rythme du Japon comme le souligne le slogan « live from Japan » !
Pour commencer quel bilan de vos quelques mois d’activité de Genzai ?
Le bilan est positif, après notre démarrage officiel d’octobre, nous avons atteint un premier palier avec près de 1300 abonnés. Mais nous restons à 4.99€/ mois. Il y a toujours des petits détails à régler mais depuis l’arrivée d’Elena, nous sommes plus réactifs sur le support, le forum et Facebook. Bien entendu, Genzai va être amené à changer, encore et encore.
Genzai est donc une plate-forme qui propose du streaming d’anime en quasi-simultané du Japon… Ce coté quasi-simultané est-il efficace contre le fansub ?
Oui, nous le pensons. Nous travaillons avec les studios donc nous récupérons les fichiers 2 à 3 jours avant. Le plus compliqué, c’est le repérage. Mais avant tout, nous travaillons avec des traducteurs pas des fans et donc avec les contraintes de travail en jours ouvrés cela devient difficile à gérer lors d’une diffusion le week-end. Mais le plus difficile à faire comprendre c’est la légalité.
Mais lorsque des fans – et heureusement qu’ils sont là – s’accaparent une série, le but premier est de la faire partager !! Nous sommes du même avis, cependant, la chaîne du métier en pâtit. Des traducteurs, des techniciens participent à notre passion, mais en ces temps difficile pour tous, nous essayons de faire vivre tout le monde ! De nos jours, avec l’influence des sites pirates, de nombreuses personnes s’étonnent que notre site propose les derniers épisodes « en avance », mais contrairement à ce qu’ils croient, nos vidéos sont bien à l’heure… et le streaming n’est pas un moyen de consommation légal.
Diffuser pour dire qu’on l’a fait, c’est une chose mais ce n’est pas juste pour les mangaka qui je vous le rappelle ne sont pas tous riches…Mais c’est un autre débat.
Est-ce que vous pouvez nous décrire le déroulé classique pour la mise en place d’un épisode sur votre plate-forme ?
Le processus est simple, la vidéo est reçue 24 à 48h en avance, les scripts japonais de même, et nous travaillons ensuite à partir d’un fichier repéré pour traduire. Ensuite, suivant la disponibilité des traducteurs nous déterminons le planning de diffusion.
Quel est votre lien avec Crunchyroll, votre partenaire technique ? Pourquoi avoir choisi ce modèle ?
Crunchyroll est la plateforme la plus opérationnelle et aussi elle a prouvé auprès de nos partenaires japonais en commun que l’outil était sécurisé. Donc le choix était facile. C’est notre partenaire technique, mais l’éditorial, le commercial et une partie du support se fait chez nous.
Dans une autre interview vous dites que vous avez voulu créer Genzai pour avoir plus de liberté et pouvoir dépasser le catalogue Kana Home Vidéo et Kana… Pour quelles raisons ?
Genzai se veut être un agrégateur et donc devenir une plateforme où tous les éditeurs et les diffuseurs puissent proposer leurs programmes. Notre ambition est simple, et nous sommes ouverts à toutes propositions, nous pourrions même diffuser autre chose que de l’animation…
Et… Vous y arrivez ?
Nous avons moins d’un an de vie, c’est encore trop tôt pour le dire. On avance en terrain inconnu à pas mal de niveau !
Le catalogue : blockbusters only ?
Ensuite, parlons de vos licences. On voit que vous avez uniquement des grosses licences… Un peu comme KHV d’ailleurs, qui doit sa position de leader à Naruto. Ce sont les seules rentables ?
Encore une fois, dans le temps imparti, nous avons choisi d’utiliser les licences communes (excepté Space Brothers). Et la plateforme n’est pas rentable pour l’instant. C’est notre ligne éditoriale de vouloir démocratiser le manga et l’animation et le faire découvrir au plus grand nombre. Au contraire, nos licences étant les plus demandées, on peine face à l’armada des sites illégaux et au fansub.
Dans le domaine du manga, le conglomérat Shueisha and co donne la primeur à Kazé Manga pour ses nouvelles licences. Quid en japanimation ?
Kazé manga fait partie de VIZ et donc de Shueisha. Vous auriez une filiale au Japon, vous donneriez vos news en priorité à un journaliste concurrent vous ? ;-)
Mais pour l’animation, ce n’est pas la même chose. Par exemple, pour One Piece, nous avons la série en DVD et Kaze possède les films. Ce n’est qu’une question d’opportunité et de timing.
Pourquoi uniquement des adaptations de manga ? Des œuvres originales sont-elles prévues ?
C’est plus facile de récupérer des licences déjà présentes en manga dans le groupe. Mais tout comme Kana Home Video, nous avons construit sur nos bases communes puis nous avons eu la chance d’acquérir des séries de maison d’éditions différentes (D. Gray-Man, One Piece, Fairy Tail…). Nous sommes en recherche constante de nouvelles choses, aussi bien en animé qu’en live…
Il existe un autre type d’œuvres absentes du catalogue… Le shôjo. Pourquoi ? Et est-ce qu’une série pour le public féminin est à l’étude ?
Le shôjo est un genre lucratif en manga mais pas vraiment en anime, du coup des séries à fort potentiel ne sont pas courantes. Pour l’instant, aucune série en particulier à signaler mais on se penche sur la question ! Mais ce qui compte pour nous, c’est de réussir à trouver un anime shôjo de bonne qualité, qui nous plaisent vraiment.
Pour finir sur votre catalogue anime… Des séries se sont achevées ou vont se terminer d’ici peu. Comptez-vous en proposer de nouvelles pour combler ce manque ?
Pour l’instant seul Fairy Tail est en pause et reprendra bientôt, c’est sûr. Hunter x Hunter prend une nouvelle tournure avec un arc encore jamais traité en animé !!! Et puis, nous remettons tous les anciens épisodes de FT plus ceux de Naruto la première série.
Nous aurons deux nouvelles séries d’ici à juillet, merci pour votre patience. (Les séries ont été annoncées : Devil Survivor 2 et Yuyushiki, NDLR)
Vous expliquez que vous aimeriez dépasser les animes en proposant des émissions TV, des dramas et du concert… Vous pouvez nous en dire plus ?
La télévision au Japon, ce n’est pas que Naruto ou Dragon Ball Z. Il y a des dizaines d’émissions de musiques et de cuisines, des dramas, des documentaires tout comme chez nous. En France, ce qui en ressort ce sont souvent des clichés et le Japon reste encore très mal connu … Bref, nous voudrions ajouter une nouvelle dimension à Genzai et apporter un peu plus de « pop culture ».
Parlons chiffres et audience : comment se classent vos séries ?
Fairy Tail et Naruto sont bien entendu les séries phares ! Mais il semble que Hunter ne soit pas en reste … Surtout avec l’arc inédit des Kimera Ant !
Néanmoins, quand il ne s’agit pas d’épisodes hors- série, Naruto Shippuden est incontestablement LA série Genzai.
Combien d’épisodes ont été visionnés depuis vos débuts ?
Près de 200 000 vues toutes séries confondues.
Combien d’abonnés compte Genzai à l’heure actuelle ?
Nous avons plus de 1200 abonnés depuis 6 mois. Et notre communauté augmente régulièrement.
Vous expliquez que, pour être rentable ou du moins à l’équilibre, il vous faudrait environ 10 à 12 000 abonnés… C’est un projet à l’horizon 2014 ? 2015 ? Plus loin que ça ?
C’est un peu plus compliqué… Pour l’instant Genzai n’est pas rentable. Mais nous investissons dans ce projet, il faut comprendre qu’avec 220 000 vues sur RUTUBE d’un épisode de Naruto, il ne nous en faudrait pas beaucoup (10%) pour que le service puisse se développer encore plus rapidement. Notre objectif est de travailler une série dans son exhaustivité : WEB, TV, DVD, VOD.
Sur Genzai et d’autres plate-formes, on constate qu’avec quelques euros par mois on peut regarder quasiment des centaines d’épisodes. Or je me souviens d’une époque encore pas si lointaine où un dvd de 4-5 épisodes coutait 10-15 euros. Il y a des raisons évidentes à cette différence mais que dire à ceux qui se sentent lésés d’avoir acheté des DVD au prix fort ?
Un DVD qui comprend 4-5 épisodes d’une grosse série à moins de 20 euros en VF et en VOSTFR doit se vendre à plus de 50 000 ex pour être rentable.
De nos jours, KHV fait partie des éditeurs les moins chers et pourtant, nous ne vendons pas autant de DVD (environ 1/6éme pour les meilleures séries). Mais en ce qui concerne les coûts, sachez qu’un épisode cela s’achète d’abord, ensuite on traite la vidéo (encodage, numérisation), on la traduit (traduction, adaptation, doublage), on fait le packaging (graphisme, DVD) et on doit promouvoir le produit….
Bref, la chaîne de production est longue. Pour le simulcast, après la traduction, on passe aux coûts de bande passante, aux techniciens du site, la traduction, etc. [...]
Il faut que le l’on comprenne que le produit physique – qui a demandé de long mois de travail- n’a rien à voir avec le droit d’entrée sur les sites de VOD ou de simulcast …
Je pense que les personnes qui achètent des DVD sont très attachées à leurs achats. C’est comme les gens qui achètent la même marque de biscuits ou de tabac … c’est une habitude mais avec de l’affect.
Le simulcast, c’est la possibilité d’essayer des séries à moindre budget. Si on est déçu à la fin du premier épisode rien ne nous oblige à continuer sur cette série mais rien ne nous empêche d’essayer quelque chose d’autre dans le catalogue. C’est plutôt une approche pleinement consommatrice mais qui permet la curiosité.
Vous expliquez dans une autre interview que pour proposer le téléchargement de vos séries, les licences vous couteraient plus cher. Ce qui nous fait donc, si je ne me trompe pas, des licences pour la diffusion télé, le streaming, le téléchargement, les supports physiques, le format papier et les produits dérivés. Cette multitude de droits entraine une multitude d’acteurs, de tractations… Avantage ou inconvénient selon-vous ?
Inconvénient et je rectifie, certains studios ne veulent pas entendre parler de téléchargement. Plus il y a d’intervenants plus il y a de délais. Mais si nous avons la possibilité d’acquérir une multitude de droits, cela nous rend plus réactifs, c’est le cas de Naruto ou de Fairy Tail.
Avec tout ces droits on a du mal a croire que les difficultés de la japanimation atteignent le porte-monnaie des ayants droit… Est-ce que la vente des droits est un business qui peut les « sauver » ?
En fait, il est primordial. Reprenons la chaîne de la création manga-anime :
Quand un mangaka est repéré, un éditeur et son équipe en font la promotion et les mangas sont en ventes (gros investissements peu de rendement pour un tout jeune…). Si la série en manga est prometteuse et commence à perdurer plus de 5 volumes prévus ou sortis, il y a réflexion sur la série animé. Puis arrive la recherche de sponsors, partenaires TV et ventes des licences à l’étranger. C’est pour ça que les pubs et sponsors sont omniprésents à la télévision japonaise – bien plus qu’en France.
Seulement les séries ne font plus 52 épisodes… La plupart sortent au format de 12 ou 13 épisodes. Sauf si le potentiel est révélé par les acteurs du marché. Les hors séries ne font pas recette et donc soit il y a des pauses (Fairy Tail), soit il y a arrêt pur et simple (Bleach). Il ne faut pas oublier une chose un anime coûte très cher à produire et cela sert à vendre des mangas. Plus il y a d’exposition, plus les gens se tourneront vers les mangas, c’est mécanique ! Le meilleur exemple est sans doute One Piece et sa diffusion sur D17.
La vente des droits permet un retour plus rapide des investissements mais il faut réaliser plusieurs ventes pour cela. Et le Japon est conscient que ses ventes internationales sont primordiales pour la continuité des séries.
Pour la France par contre, on parle de marché sinistré pour la japanimation… Comment qualifier le streaming au final : un complément de revenu, une bouée de sauvetage, le bout du tunnel ?
Non, ce n’est pas le bout du tunnel. Le marché du manga n’est plus l’Eldorado, c’est tout !
Mais en DVD, le marché global perd 15% chaque année depuis 2009. Nous essayons de nous adapter. Chez KHV, nous avons toujours géré une série dans sa quasi-totalité quand c’était possible : Fairy Tail ou Hunter X Hunter (2011), par exemple, nous avons acquis tous les droits même Merchandising. Et c’est tout naturellement, que le simulcast s’est imposé.
Pour proposer une offre légale aux internautes et ensuite pour lutter contre le piratage. Enfin, pour avoir une offre globale, un suivi éditorial complet. La maîtrise de la série de A à Z.
En résumé, c’est une nouvelle façon de proposer de la japanim … Et de lutter contre les pirates. De s’adapter au public et à ses nouvelles habitudes.
Pour finir… Vous êtes dans la japanimation depuis plusieurs années, comment envisagez-vous le futur du marché français ?
Le manga en France, j’en ai vu le début : Glénat et les fascicules Dragon Ball en librairie, Tonkam et ses premiers pas avec Vidéo Girl Ai, etc…
L’animation aussi, des conventions dans des lycées, des cassettes vidéos copiés des Laser Discs japonais sans traductions… ;-) La fin du Club Do, le cable et la TNT : NoLife , Manga (TV), GameOne, D17…
Bref, le marché français ne peut pas tout absorber du Japon et donc il faut nous adapter et choisir les futurs titres qui auront le potentiel de contenter tous les publics.
Un virage numérique est nécessaire mais il doit se faire avec le Japon, un fan d’animé regarde aussi du drama, lit des mangas, écoute de la Jpop ou Kpop. Bref, on va vers une sorte de « Melting pot » qui regroupe tous les genres où chacun trouvera sa série et il faut que cela se fasse dans des entités qui assureront la pérennité du travail du/des auteurs et de rémunérer correctement l’ensemble des acteurs de la chaîne. Sans les fans, rien n’est possible ;-)
Les séries qui ont porté plusieurs générations de lecteurs comme One piece, Naruto ou Bleach vont s’arrêter un jour mais qui peut prévoir quand ? Les mangakas fournissent un effort énorme chaque semaine !
C’est vraiment dommage que les fans n’aient pas la même ferveur envers les métiers de l’animation, il y a tellement de personnes impliquées pour créer puis diffuser un simple épisode de 24 minutes !
Merci beaucoup Pascal Benattar !
Retrouvez Genzai sur leur site internet, ou suivez leur actualité sur leur compte Facebook ou Twitter.
Remerciements à Pascal Benattar pour son temps et à Elena Faure pour la mise en place de cette interview.
Retrouvez nos interviews éditeurs en manga et japanime :
Manga
Doki-Doki (mai 2012)
Glénat (mars 2009, décembre 2012)
IMHO (avril 2012)
Isan Manga (mars 2013)
Pika (avril 2013)
Kana (novembre 2012)
Kazé Manga (avril 2011 – janvier 2012)
Ki-oon (avril 2010 - avril 2011 – janvier 2012 – janvier 2013)
Kurokawa (juin 2012)
Ototo – Taifu (octobre 2012)
Soleil Manga (mai 2013)
Tonkam (avril 2011)
Japanimation
Black Bones (décembre 2012)
Genzai (juin 2013)
Wakanim (Juin 2012)
The post Interview Japanimation : Genzai – premier bilan appeared first on Paoru.fr.